Neurosciences, marketing et communication, une nouvelle tendance pour 2018

"neurosiences-marketing"

Interview croisée avec Mélissa Canselliet, consultante, spécialiste en neurosciences et UX Design chez Ubisoft et Pierre-Henri Freyssingeas, fondateur de l’agence de communication digitale et évènementielle Henri8.

Ils ont ensemble organisé un atelier de réflexion prospective sur les sciences cognitives appliquées à l’expérience utilisateur. Nous les avons questionnés sur cette nouvelle association entre neurosciences et marketing.

En quoi, d’après-vous, les neurosciences peuvent éclairer les décideurs en termes de communication ou de marketing ?

Mélissa Canselliet – Les neurosciences, par la compréhension des processus cognitifs clés tels que la mémoire, la prise de décision, la motivation et le plaisir, permettent de dépasser l’approche « déclarative » des méthodes marketing classiques. Elles offrent l’opportunité d’anticiper les processus inconscients qui dominent largement l’expérience utilisateur tout au long de son contact avec une marque. On croit toujours impliquer son système le plus rationnel lors d’une décision, sauf qu’il domine rarement !

Pierre-Henri Freyssingeas – Les sciences cognitives apportent en effet des clés de compréhension rationnelle de certains processus d’interaction entre un annonceur et ses publics que nous avions jusqu’à présent tendance à considérer comme irrationnels, disproportionnées ou en dehors du cadre.

A quel moment les neurosciences interviennent-elles dans le processus de décision marketing ?

Pierre-Henri Freyssingeas – Dès le départ en fait, lorsque se dessine la stratégie. Les sciences cognitives permettent des prises de décisions mieux éclairées quand il s’agit de concevoir de nouveaux services ou produits et les actions de communication qui les accompagnent. Qu’il s’agisse d’acquérir, d’engager ou de fidéliser de nouveaux utilisateurs, quel que soit le secteur envisagé, le champ d’étude repose sur un socle commun de « conduite du changement. »

Mélissa Canselliet – Oui, et cette conduite du changement implique irrémédiablement une phase de découverte puis d’apprentissage, dans laquelle la plasticité cérébrale joue un rôle essentiel. Découvrir, apprendre et se familiariser avec quelque chose de nouveau, nécessite de faire appel à des fonctions cognitives de haut niveau (implication cruciale du cortex préfrontal, système limbique), parfois en compétition avec celles qui vont sous-tendre nos habitudes (cervelet, ganglions de la base).

Un autre point important : la dopamine. Associer une expérience avec une représentation positive, par activation du circuit de récompense, implique un neurotransmetteur clé : la dopamine. Plus la libération de dopamine est forte dans le circuit du plaisir lors d’une expérience, plus nous sommes amenés à adhérer positivement à une nouvelle démarche. Nous y prenons plaisir. Nous y revenons avec plaisir.

Et à partir de ces connaissances, vous avez établi des règles concrètes qui vous servent à l’établissement de stratégies marketing ?

Mélissa Canselliet – Oui en effet. Les neurosciences appliquées permettent dans le champ de la communication et du marketing, d’établir au moins quatre principes transversaux de bases :

  • Identifier et respecter rigoureusement les attentes des usagers par rapport à un nouveau service/produits. Une déception, même marginale, altère le jugement de manière disproportionnée. C’est l’effet lié à la libération de dopamine.

  • Evaluer les niveaux de motivation intrinsèque et extrinsèques par rapport à une expérience, et lever les points de friction éventuels. Les moteurs de la motivation réelle des usagers sont souvent cachés ou en dehors du cadre rationnel direct.

  • Procéder à petits pas, étapes par étapes, avec une répétition évolutive dans le temps. La plasticité cérébrale et les fonctions exécutives requièrent du temps et de l’énergie.

  • Apporter du plaisir ou des bénéfices concrets et immédiats dans la découverte et l’acquisition d’une nouvelle expérience. Satisfaire les attentes pour une expérience optimale.

Pierre-Henri Freyssingeas – De manière très concrète. Cette nouvelle approche de la communication nous permet, en agence, de requalifier plus précisément les briefs de certains de nos clients. Cela nous permet d’aller identifier avec eux d’autres attentes importantes de leurs publics au delà des besoins évidents. Il s’agit souvent d’attentes un peu en dehors du cadre, moins avouables ou moins conscientes mais tout aussi importantes. Lors d’un programme de formation dans le secteur médical, nous avons par exemple, grâce à ce type d’analyse, anticiper le fait que les participants attendaient au moins autant de passer un bon moment entre pairs que de se former. Nous avons donc travaillé sur les formats, afin de les rendre plus conviviaux et répondre aux attentes des participants. Le cycle de formation n’en a été que plus efficace.

Un dernier mot pour conclure ?

Mélissa Canselliet – Je conclurais en disant qu’il ne faut pas sous-estimer la complexité à l’œuvre lorsque nous prenons une décision, notamment en ce qui concerne l’achat et l’adoption d’un nouveau produit ou service. Aux questions rationnelles que nous nous posons s’additionnent aussi notre état de forme ou de fatigue, de stress ou le contexte émotionnel qui modifient également notre expérience de manière positive ou négative.

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